Déjà la vie ardente incline vers le soir,Respire ta jeunesse,Le temps est court qui va de la vigne au pressoir,De l'aube au jour qui baisse,Garde ton âme ouverte aux parfums d'alentour,Aux mouvements de l'onde,Aime l'effort, l'espoir, l'orgueil, aime l'amour,C'est la chose profonde ;Combien s'en sont allés de tous les cœurs vivantsAu séjour solitaireSans avoir bu le miel ni respiré le ventDes matins de la terre,Combien s'en sont allés qui ce soir sont pareilsAux racines des ronces,Et qui n'ont pas goûté la vie où le soleilSe déploie et s'enfonce.Ils n'ont pas répandu les essences et l'orDont leurs mains étaient pleines,Les voici maintenant dans cette ombre où l'on dortSans rêve et sans haleine ;— Toi, vis, sois innombrable à force de désirsDe frissons et d'extase,Penche sur les chemins où l'homme doit servirTon âme comme un vase,Mêlé aux jeux des jours, presse contre ton seinLa vie âpre et farouche ;Que la joie et l'amour chantent comme un essaimD'abeilles sur ta bouche.Et puis regarde fuir, sans regret ni tourmentLes rives infidèles,Ayant donné ton cœur et ton consentementÀ la nuit éternelle.